Discours de 19 août 1939 de Stalin, comme édité en Revue
de Droit International, de sciences diplomatiques et
politique: The
international law review, Genève, tome XVII,
numéro 3, juillet-septembre 1939, pp. 247-8
(Daté du 30 Septembre 1939)
Pourquoi l’U.R.S.S. aurait signé son accord avec le Reich. L’agence Havas a reçu de Moscou,
via Genève, d’une source qu’elle déclare absolument digne de foi, les renseignements
suivants sur la séance que le Politbureau tint, à la demande de Staline, le 19
août à 10 heures du soir, et à la suite de l’U.R.S.S. signa avec le Reich
l’accord politique que l’on sait :
Le 19 août au
soir, les membres du Politbureau avaient été convoqués d’urgence à une séance
secrète à laquelle assistaient les principaux dirigeants du Komintern, mais
seulement ceux de la section russe. Aucun des communistes étrangers, même pas
Dimitrov, secrétaire général du Komintern, n’avait été invité à cette réunion
dont le but, qui n’était pas indiqué dans l’ordre du jour, était d’entendre un
rapport de STALINE.
Celui‑ci prit immédiatement
la parole. Voici l’essentiel de son discours :
La paix ou la
guerre. Cette question est entrée dans sa phase critique. Sa solution dépend
entièrement de la position que prendra l’Union soviétique. Nous sommes
absolument convaincus que si nous concluons un traité d’alliance avec la France
et la Grande‑Bretagne l’Allemagne se verra obligée de reculer devant la
Pologne et de chercher un modus vivendi avec les puissances
occidentales. De cette façon, la guerre pourra être évitée et, alors, le
développement ultérieur de cet état de choses prendra un caractère dangereux
pour nous.
D’autre part,
si nous acceptons la proposition de l’Allemagne, que vous connaissez, de
conclure avec elle un pacte de non‑agression, l’Allemagne attaquera
certainement la Pologne, et l’intervention dans celle querre de l’Angleterre et
de la France deviendra inévitable.
Dans ces
circonstances, nous aurons beaucoup de chances de rester à l’écart du conflit
et nous pourrons attendre avantageusement notre tour. C’est précisément ce
qu’exige notre intérêt.
Ainsi notre
choix est clair: nous devons accepter la proposition allemande et renvoyer
dans leur pays, avec un refus courtois, les missions anglofrancaises.
II n’est pas
difficile de prévoir l’avantage que nous retirerions de cette facon de
procéder. II est évident, pour nous, que la Pologne sera anéantie avant même
que l’Angleterre et la France soient en mesure de venir à son aide. Dans ce
cas, l’Allemagne nous céde une partie de la pologne jusqu’aux abord de Varsovie
--‑ Galicie ukrainienne comprise.
L’Allemagne
nous laisse toute liberté d’action dans les trois pays baltes. Elle ne s’oppose
pas au retour à la Russie de la Bessarabie. Elle est prête à nous céder, comme
zone d’influence, la Roumanie, la Bulgarie et la Hongrie.
Reste la
question de la Yougoslavie, dont la solution dépend de la position prise par
l’Italie. Si l’Italie demeure aux côtés de l’Allemagne, celle‑ci exigera
que la Yougoslavie soit comprise dans sa zone d’influence, et c’est aussi par
la Yougoslavie qu’elle obtiendra l’accés à la mer Adriatique. Mais si l’Italie
ne marche pas avec l’Allemagne, alors c’est aux dépens de l’Italie que
l’Allemagne aura accès à la mer Adriatique et, dans ce cas, la Yougoslavie
passera dans notre sphère d’influence.
Ceci dans
l’éventualité ou l’Allemagne sortirait victorieuse de la guerre.
Cependant,
nous devons prévoir les possibilités qui résulteront de la défaite aussi bien
que de la victoire de l’Allemagne. Examinons le cas d’une défaite allemande.
L’Anglelerre et la France auront assez de force pour occuper Berlin et détruire
l’Allemagne, et nous ne serions pas en mesure de venir efficacement en aide à
celle‑ci.
Donc, notre
but est que l’Allemagne puisse mener la guerre le plus longtemps possible afin
que l’Angleterre et la France soient fatiguées et à tel point épuisées qu’elles
ne soient plus en état d’abattre l’Allemagne.
De là notre
position : tout en restant neutre, nous aidons l’Allemagne économiquement en
lui fournissant matières premières et denrées alimentaires; mais il va de soi
que notre aide ne doit pas dépasser une certaine limite, afin de ne pas
compromettre notre situation économique et de ne pas affaiblir la puissance de
notre armée.
En même
temps, nous depons, de façon générale, mener une active propagande communiste,
en particulier dans le bloc anglo‑francais, et tout spécialement en
France. Nous devons nous attendre que, dans ce pays, notre parti soit obligé,
en temps de guerre, d’abandonner le terrain légal et de passer à l’activité
clandestine. Nous sovons que cette activité exige beaucoup d’argent, mais nous
depons consentir sans hésiter ces sacrifices. Si ce travail préparatoire est
dûment exécuté, la sécurité de l’Allemagne sera assurée. Celle‑ci pourra
contribuer à la soviétisation de la France.
Examinons
maintenant la deuxième hypothèse, celle de la victoire allemande.
Certains sont
d’avis que cette éventualité représenterait pour nous le plus grave danger. Il
y a dans cette assertion une part de vérité, mais ce serait une erreur de
penser que ce danger soit aussi proche et aussi grand que certains l’imaginent.
Si
l’Allemagne l’emporte, elle sortira de la guerre trop fatiguée pour nous faire
la guerre pendant la premiére décennie. Ses principaux soucis seront de
surveiller l’Angleterre et la France vaincues pour les empécher de se relever.
D’autre part,
l’Allemagne victorieuse disposera de vastes colonies; l’exploitation de celles‑ci
et leur adaptation aux méthodes germaniques absorberont l’Allemagne également
pendant plusieurs décennies. Il est évident que l’Allemagne sera trop occupée
ailleurs pour se tourner contre nous.
Camarades,
conclut Staline, je vous ai exposé mes considérations. Je vous répète qu’il est
dans votre intérêt que la guerre éclate entre le Reich et le bloc anglo‑français.
Il est essentiel pour nous que cette guerre dure le plus longtemps possible,
pour que les deux parties s’épuisent. C’est pour ces raisons que nous devons
accepter le pacte proposé par l’Allemagne et travailler à ce que la guerre, une
fois déclarée, se prolonge au maximum. En même temps, nous devons intensifier
le travail économique dans les pays belligérants, afin que nous soyons bien
préparés pour le moment où la guerre prendra fin.
L’exposé de
STALINE, écouté religieusement, ne fut suivi d’aucune discussion. Deux
questions seulement furent posées, et de peu d’importance, auxquelles Staline
répondit. Sa proposition relative à l’acceptation du pacte de non‑agression
avec le Reich fut adoptée à I’unanimité. Ensuite, le Politbureau prit une
décision chargeant le président du Komintern Manouilski d’élaborer avec le
secrétaire Dirnitrov et sous la direction de Staline lui‑même, les
instructions appropriées à donner au parti communiste à l’étranger.
English translation by Carl O. Nordling:
The reason why the U.S.S.R. has signed a pact
with the Reich. The Havas agency has received from Moscow, via Geneva,
from a source which it declares absolutely trustworthy, the following
information of the meeting that the Politburo held, at the request of Stalin,
August 19 at 10 o’clock p.m., and as a result of which the U.S.S.R. signed with
the Reich the political agreement that is known.
August 19 at the evening, the members of the Politburo had been summoned
urgently to a secret meeting in which the principal leaders of the Comintern
took part, but only those of the Russian section. Non of the foreign
Communists, not even Dimitrov, Secretary General of the Comintern, had been
invited to this meeting of which the goal, which was not indicated in the
agenda, was to hear a report of STALIN.
The latter immediately began to speak. This is the essentials of his
speech:
“Peace or war. This question
has entered its critical phase. Its solution depends entirely on the position
which will be taken by the
On the other hand, if we
agree to the proposal of
In these circumstances, we
will have many chances to keep aloof of the conflict and we will be able to
await our turn advantageously. It is precisely what our interest requires.
Thus our choice
is clear: we must accept the German proposal and send the Anglo-French mission
back to their counties, with a courteous refusal.
It is not difficult to envisage the
advantage which we would obtain in this way of proceeding. It is obvious, for us, that
There remains the question
of
This in the possibility
that
Therefore, our goal is that
Germany should carry out the war as long as possible so that England and France
grow weary and exhausted to such a degree that they are no longer in a position
to put down Germany
As regards our position:
while remaining neutral, we help Germany economically by providing her raw
materials and provisions; but it goes without saying that our assistance should
not exceed a certain limit, in order not to compromise our economic situation
and not to weaken the power of our army.
At the same time, we must,
from a general point of view, carry out an active communist propaganda, in
particular in the Anglo-French bloc, and especially in
Now let us examine the second
assumption, that of a German victory. Some think that this possibility would
represent the most serious danger for us. There is some truth in this
assertion, but it would be an error to think that this danger is also immediate
and as great as some imagine it to be.
If
In addition, a victorious
Comrades, concludes Stalin,
I have presented my considerations to you. I repeat that it is in our interest
that war breaks out between the Reich and the Anglo-French bloc. It is essential for us that this war lasts as long as
possible, so that the two parts become exhausted. It is for these reasons that
we must accept the pact suggested by
The talk of STALIN, attentively listened to, was followed of no
discussion. Two questions only were put, but of little importance, which Stalin
answered. Its proposal implying the acceptation of the non-aggression pact with
Reich was adopted unanimously. Then the Politburo made a decision charging
Manuilski, the President of the Comintern, with working out together with
Dirnitrov, the Secretary, and under the direction of Stalin himself,
instructions suitable to give to the Communist Party abroad.
(Carl Nordling’s comment:
This version, which was published in
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